Parasitisme : le simple fait de commercialiser des produits qui évoquent ceux de son concurrent n’est pas en soi fautif.
La Cour de cassation a rappelé dans un important arrêt rendu le 26 juin dernier, à l’occasion d’un contentieux qui opposait Maisons du Monde à Auchan, les conditions dans lesquelles le parasitisme peut s’appliquer.
En l’espèce, Maisons du monde reprochait à Auchan d’avoir commercialisé des tasses et des bols comportant des images de type vintage, qui évoquaient un tableau qu’elle distribuait elle-même dans ses magasins.
Pour rappel, le parasitisme consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d’un autre, afin de tirer indument profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
L’action en parasitisme est d’autant plus intéressante pour la victime du comportement déloyal, qu’elle ne nécessite pas de démontrer l’existence d’un risque de confusion et qu’elle est ouverte même en l’absence d’un droit de propriété intellectuelle.
Maisons du monde, considérant que les images reproduites sur les ustensiles commercialisés par Auchan évoquaient les tableaux dont elle assurait la distribution, a estimé être en droit d’engager une action en parasitisme.
Selon elle, elle n’avait qu’à démontrer l’existence d’un simple « risque d’évocation » ainsi que le détournement de ses investissements.
Dans sa décision du 26 juin 2024, la Cour de cassation lui donne cependant tort, en apportant des précisions importantes sur la notion de parasitisme.
La cour indique ainsi qu’il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme, d’identifier la « valeur économique individualisée » qu’il invoque, ainsi que la volonté de l’auteur du parasitisme de se placer dans son sillage.
L’action en parasitisme dépend par conséquent de la capacité de la victime de démontrer qu’elle est légitime à revendiquer l’existence d’une « valeur économique individualisée ».
La Cour ne donne cependant pas d’indication permettant de préciser la nature d’une telle valeur. Par contre, elle explique de manière extrêmement pédagogique les éléments permettant d’écarter la notion de « valeur économique ».
Ainsi, elle rappelle que le savoir-faire et les efforts humains et financiers nécessaires pour caractériser l’existence d’une valeur économique, ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit.
Elle rappelle également que les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre en le déclinant un concept mis en œuvre par un concurrent, ne constitue pas en soi un acte de parasitisme.
La Haute juridiction prend également soin de justifier que les juges du fond ont correctement caractérisé l’absence de valeur économique.
Elle souligne ainsi que la Cour d’appel a relevé que l’image revendiquée par Maisons du monde était disponible en droit libre sur Internet. En outre, les décors des tasses et bol commercialisés par la société Auchan, n’étaient pas des copies serviles des clichés litigieux.
Enfin, la Cour relève que la toile commercialisée par Maisons du monde l’a été sur une période limitée, que l’image n’a jamais été mise en avant comme emblématique de la collection Vintage d’Auchan, tout n’étant pas caractéristique également des produits distribués par Maisons du Monde.
La Cour souligne également que Maisons du monde ne détenait aucun droit de propriété intellectuelle sur les images litigieuses. Cette dernière précision peut d’ailleurs surprendre dans la mesure où si Maisons du Monde avait été titulaire des droits d’auteur afférents au tableau, le fondement de son action aurait été la contrefaçon et non le parasitisme.
Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation estime que le parasitisme n’est pas caractérisé.
Cette décision est particulièrement intéressante dans la mesure où les praticiens ont longtemps considéré que le parasitisme constituait le recours ultime pour poursuivre un concurrent indélicat en l’absence de droit de propriété intellectuelle.
La Cour de cassation vient cependant rappeler que si la victime du comportement préjudiciable peut engager des poursuites en parasitisme sans avoir à se prévaloir d’un quelconque droit de propriété intellectuelle, elle doit néanmoins caractériser l’existence d’une « valeur économique individualisée ».
Nul doute que cette notion de « valeur économique » fera l’objet d’un contentieux nourri dans les années à venir.
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