Par Eolia BUSATA et Henri LEBEN, avocats à la Cour
Le Digital Market Act (Règlement UE n°2022/1925 – DMA) a vocation à permettre de réguler le pouvoir des acteurs économiques en capacité de verrouiller l’accès aux marchés numériques dans l’Union européenne.
Le Règlement s’applique ainsi aux acteurs disposant de capacités de verrouillage ou de contrôle de leurs marchés, car ils constituent un point d’accès important des entreprises utilisatrices pour toucher leur clientèle, et qui sont alors qualifiés de « contrôleur d’accès » ou « gatekeepers ».
La qualification de contrôleurs d’accès sera appliquée automatiquement à toute entreprise qui, au cours des 3 dernières années, a :
• Réalisé 7,5 milliards d’euros au moins de CA annuel dans l’UE ou 75 milliards, d’euros ou plus de capitalisation boursière durant la dernière année ;
• Eté utilisée par au moins 45 millions d’utilisateurs finaux par mois et 10.000 professionnels par an ;
• Fourni un ou plusieurs services de plateforme essentiels dans au moins trois pays de l’UE, parmi lesquels : services d’intermédiation (comme les places de marché, les boutiques d’applications), moteurs de recherche, réseaux sociaux, messagerie en ligne, etc.
Une fois ces seuils atteints, les entreprises concernées devront s’identifier auprès de la Commission européenne dans le 2 mois de l’entrée en vigueur du DMA. Celle-ci étudiera alors la déclaration et procédera, si applicable, à la désignation de l’entreprise déclarante en tant que « contrôleur de marché ».
Les premières désignations sont donc attendues début septembre 2023.
La Commission pourra, dans tous les cas, désigner unilatéralement les entreprises qui remplissent les critères mais ne se signalent pas comme telles.
Par ailleurs, les entreprises dont l’activité est susceptible de les placer en position de domination de leur marché sans que cette position soit encore durable se verront attribuer le statut de « contrôleurs d’accès émergents ». Certaines des obligations applicables aux contrôleurs d’accès leur seront immédiatement applicables.
Parmi les mesures prévues par le règlement pour encadrer le pouvoir de marché des contrôleurs d’accès, beaucoup vont affecter l’organisation même des plateformes.
Les entreprises concernées devront notamment :
• Rendre également faciles l’abonnement et le désabonnement au services de plateforme essentielle qu’ils fournissent ;
• Permettre de désinstaller facilement leurs applications préinstallées (tels que des suites logicielles ou un navigateur) ;
• Rendre interopérables les fonctionnalités de base de leurs services de messagerie instantanée avec ceux de leurs concurrents ;
• Autoriser les vendeurs à promouvoir leurs offres et à conclure des contrats avec leurs clients en dehors des plateformes ;
• Donner aux vendeurs l’accès à leurs données de performance marketing ou publicitaire sur leur plateforme.
Les plateformes seront également tenues d’informer la Commission européenne de l’évolution de leur organisation, en lui notifiant notamment les acquisitions et fusions qu’elles réalisent.
Ces obligations s’accompagnent de la restriction de pratiques ayant pour objet de favoriser les services annexes proposés par les contrôleurs d’accès (auto préférence de leurs produits, installation automatique de leurs logiciels sur un appareil, exploitation des données des vendeurs sur la plateforme pour les concurrencer, obligation d’utiliser le système de paiement du contrôleur, etc.).
Une entité lésée par un contrôleur d’accès pourra s’appuyer sur la liste de ces obligations et interdictions pour demander des dommages et intérêts devant les juges nationaux. La liste prévue par le règlement pourra être complétée par la Commission, en fonction de l’évolution des pratiques des plateformes.
Les sanctions prévues portent sur des montants relativement élevés, et peuvent aller jusqu’à la mise en œuvre de mesures correctives comportementales ou structurelle par la Commission.
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