En l’espace de plusieurs décennies, l’environnement numérique, initialement conçu comme un espace ouvert propice au progrès, au développement et au partage inconditionnel de connaissances, a fait face à la multiplication de contenus illicites et préjudiciables.
La nécessité d’une régulation plus rigoureuse de cet espace numérique s’est alors imposée.
Dans ce contexte, le 17 octobre 2023, l’Assemblée nationale a adopté, après proposition du Sénat, un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Ce projet doit encore être soumis à l’examen d’une Commission Mixte Paritaire, chargée d’affiner les dispositions encore en discussion.
Parmi les multiples thématiques abordées par ce projet de loi, on peut citer la protection des citoyens dans l’environnement numérique, les Jonum ainsi que les nouveaux pouvoirs envisagés pour les autorités nationales.
Ce projet de loi témoigne ainsi d’une prise de conscience quant à la nécessité d’adapter la régulation de l’espace numérique.
- La protection des citoyens dans l’environnement numérique
Le projet de loi propose, dans son article 6, l’instauration d’un filtre de cybersécurité destiné au grand public, visant à restreindre les pratiques d’hameçonnage en ligne considérées comme constitutives d’escroquerie.
L’hameçonnage en ligne est précisément défini dans le projet de loi comme “le fait de mettre en ligne ou de diriger l’utilisateur vers une interface dont les caractéristiques sont de nature à créer une confusion avec l’interface en ligne d’un service existant et d’inciter ainsi l’utilisateur de cette interface, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à fournir des données personnelles ou à verser une somme d’argent.”
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement prévoit la mise en place d’un système d’alerte qui sera activé lorsque les utilisateurs s’apprêtent à accéder à un site malveillant suite à la réception d’un message frauduleux.
Cette mesure vise à protéger les citoyens contre toute tentative d’accès frauduleux à leurs données personnelles ou bancaires, en recueillant les signalements des victimes dans une base de données consultable par les autorités administratives.
De surcroît, le texte renforce les sanctions pour les infractions graves en ligne telles que le cyber-harcèlement, la pédopornographie ou encore le proxénétisme.
Ainsi, de tels agissements peuvent entraîner la suspension ou le bannissement de l’auteur sur les plateformes en ligne. Les fournisseurs qui ne bloqueront pas le compte faisant l’objet d’une suspension seront également passibles d’une amende de 75 000 euros,.
L’accent est également mis sur la protection des mineurs en ligne, avec des mesures renforcées, notamment de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), pour lutter contre l’accès des enfants aux sites pornographiques.
Enfin, le projet de loi prévoit des sanctions plus sévères pour contrer la désinformation provenant de médias étrangers soumis à des sanctions européennes, notamment visées par l’article 215 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le projet de loi prévoit que l’ARCOM sera compétente pour mettre en demeure, dans un délai de 72 heures, les personnes, dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne et les fournisseurs de services d’hébergement, de retirer les contenus ou de faire cesser la diffusion des contenus provenant de médias étrangers soumis à des sanctions européennes.
En cas de non-respect de la mise en demeure, l’ARCOM pourrait ordonner le blocage du site concerné et imposer une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires de l’opérateur.
- Les Jonum
Les Jonum, une convergence inédite entre les jeux vidéo et les jeux d’argent et de hasard, font actuellement face à un vide juridique et à une absence de régulation dans le cadre législatif français.
Dans ce contexte, et afin de pouvoir les encadrer, le projet de loi envisage dès lors d’autoriser, à titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, les jeux à objets numériques monétisables.
Les Jonum, également désignés comme des jeux à objets numériques monétisables, consistent essentiellement en des jeux en ligne proposant l’achat d’objets numériques nécessaires à la participation et à la progression dans le jeu.
La particularité de ces objets numériques réside dans leur identification par un certificat garantissant leur authenticité, ainsi que leur monétisation, permettant leur revente sur la plateforme de l’éditeur du jeu ou sur une place de marché secondaire.
L’Assemblée nationale, lors de sa première lecture, a envisagé un nouveau cadre de régulation spécifique à ces jeux, distinct de celui régissant les jeux d’argent et de hasard, ainsi que celui des jeux vidéo.
Elle procède également à une première définition juridique des Jonum, les décrivant comme des ” jeux proposés par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne qui permettent l’obtention, reposant sur un mécanisme faisant appel au hasard, par les joueurs majeurs ayant consenti un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables, à l’exclusion de l’obtention de tout gain en monnaie ayant cours légal, sous réserve que ces objets ne puissent être cédés à titre onéreux, directement ou indirectement par l’intermédiaire de toute personne physique ou morale, ni à l’entreprise de jeux qui les a émis, ni à une personne physique ou morale agissant de concert avec elle.”
Par conséquent, toute entité morale souhaitant proposer au public ce type de jeux doit obligatoirement déclarer son offre à l’Autorité nationale des jeux, conformément à l’article 15 du projet de loi.
En outre, les entreprises opérant dans le secteur des jeux à objets numériques monétisables doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le jeu excessif ou pathologique, assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu, prévenir les activités frauduleuses et criminelles, ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Enfin, un rapport rendant compte des résultats de cette expérimentation et évaluant la pertinence de sa poursuite devra être présenté au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation.
- Les nouveaux pouvoirs des autorités nationales
Le projet de loi vise à ajuster le cadre juridique français pour incorporer les dispositions du règlement sur les services numériques (Digital Services Act – DSA) et du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act – DMA), deux textes européens imposant de nouvelles obligations aux grandes entreprises du secteur numérique.
En vertu du DSA, l’ARCOM est désignée comme le “coordinateur des services numériques” en France.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée de surveiller le respect des obligations des fournisseurs de places de marché.
Parallèlement, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) aura pour mission de vérifier la conformité des plateformes par rapport aux limitations en matière de profilage publicitaire, notamment en ce qui concerne l’interdiction pour les mineurs ou l’utilisation de données sensibles.
Concernant le DMA, l’Autorité de la concurrence et le ministère de l’Economie seront habilités à mener des enquêtes, recueillir des informations et collaborer avec la Commission européenne sur les pratiques des contrôleurs d’accès, notamment dans le cadre du “réseau européen de concurrence”.
Reste à voir si la Commission Mixte Paritaire valide les propositions de l’Assemblée nationale !
Source : Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0175_texte-adopte-seance#
nement concurrentiel équitable.