Par un jugement en date du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné à plus de 3 millions d’euros une société éditeur de logiciel, son fondateur et certains de ses salariés pour contrefaçon de logiciel par reproduction non autorisée des codes sources et concurrence déloyale. La décision rappelle les critères d’originalité du logiciel avant d’établir la contrefaçon, ainsi que la qualification de concurrence déloyale en cas de débauchage massif.
La société GENERIX a acquis la société INFOLOG qui a développé le logiciel INFOLOG WMS (devenu CGS WMS).
Peu de temps après, le responsable du support de la société GENERIX a quitté la société afin de créer sa propre entreprise ACSEP, ayant la même activité que son ancien employeur.
Plusieurs employés GENERIX ont par la suite rejoint la société ACSEP ainsi que certains clients.
La société GENERIX a par la suite été informée du fait qu’ACSEP serait en possession des codes sources du logiciel GCS WMS
La société GENERIX a obtenu une ordonnance judiciaire afin de réaliser des analyses internes pour évaluer les codes sources de la société ACSEP. Les rapports ont révélé que les programmes sources exploités par les deux sociétés étaient identiques à 98 %.
La société GENERIX a assigné la société ACSEP en contrefaçon et concurrence déloyale.
Sur la contrefaçon du logiciel
Dans un premier temps, le Tribunal rappelle que les logiciels sont considérés comme des œuvres de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle. À ce titre, le code source est une forme d’expression du logiciel et doit par conséquent être protégé par le droit d’auteur.
Le Tribunal a ensuite vérifié l’originalité du logiciel ainsi que la titularité des droits. La société GENERIX a fourni des certificats de dépôt antérieurement soumis à l’Agence pour la Protection des Programmes ainsi que des factures de commercialisation du logiciel permettant d’attester de la titularité du logiciel.
Concernant l’originalité du logiciel, la société GENERIX a su démontrer les choix opérés dans le développement du logiciel. Le Tribunal a notamment retenu l’analyse poussée des besoins métiers par GENERIX.
Des échanges d’emails ont également pu confirmer que la société ACSEP avait demandé et obtenu le transfert des codes sources du logiciel à une salariée encore en poste.
Aucune convention n’ayant eu lieu entre les deux sociétés, rien ne justifiait que celle-ci soit en possession des codes sources.
Le Tribunal de Marseille a condamné la société ACSEP, son fondateur ainsi que deux de ses salariés à :
- Plus deux millions d’euros de dommages-intérêts au titre du manque à gagner du fait de la résiliation de plusieurs contrats par des clients de GENERIX ;
- 814 000 € au titre des économies réalisées notamment en R&D ;
- Et 50 000 € en réparation du préjudice moral par la dévalorisation de son savoir-faire et la banalisation de son œuvre.
Les dommages et intérêts ont été fixés sur la base de l’article L331-3 du Code de la propriété intellectuelle, la société GENERIX a pu démontrer grâce à des lettres de résiliations de contrats entre 2011 et 2015, soit à la même époque que la survenance des actes de contrefaçon, avoir eu une perte de chiffre d’affaire de 3.128.937,40 €. En appliquant les taux de marges associés aux prestations, il est ressorti un préjudice total de 2.054.806, 06 €.
Le tribunal a également ordonné la cessation de toute reproduction et utilisation des codes sources, ainsi que leur suppression et la désinstallation du progiciel GCS WMS, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, pendant un délai maximal de deux ans.
Sur la concurrence déloyale
Pour démontrer la concurrence déloyale, il est nécessaire de prouver qu’il existe une pratique ayant pour objet de créer une confusion dans l’esprit du consommateur.
La société ACSEP a débauché au moins neuf salariés de la société GENERIX. Le Tribunal a considéré que le débauchage massif de ses salariés a eu pour effet de déstabiliser la société GENERIX.
Le Tribunal a également constaté que la société ACSEP faisait usage de marques déposées par la société GENERIX dans certains de ses supports. Il a été relevé que les supports en question émanaient, eux aussi, de la société GENERIX et que seul le logo de la société GENERIX avait été remplacé par celui de la société ACSEP.
La société ACSEP a été condamnée à verser 30 000 €. Le Tribunal a ordonné la cession de l’utilisation des marques déposées par GENERIX et tout autre document ou supports émanant de la société GENERIX sous astreinte de 500 € par jour de retard.
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